vendredi 1 mai 2020

Proposition pour que la France fonctionne mieux demain


En ce printemps 2020 il ne se passe pas de journée sans que j'entende dans les médias qu'après le confinement Covid 19 il faudra adapter nos institutions pour retrouver un taux d'autonomie suffisant. En effet la crise du Covid 19 a montré que notre société était trop dépendante de l'industrie étrangère et des transports internationaux donc fragile en temps de pandémie.
Il faudra donc renforcer notre industrie dans tous les secteurs pour revenir à un niveau proche de ce que nous avons connus dans les années 80-90. A propos, pourquoi avons nous perdu ce niveau ?
Nous l'avons perdu car nous avons laissé la conduite des entreprises à de personnes brillantes et ambitieuses mais non motivées par l’innovation et la production : le mot d'ordre n'étai' il pas ?- et n'est-il pas encore ?- : " faire ou faire faire ? Avec une réponse évidente dans la majorité des cas : si je peux acheter le produit au coût où je le produit, je l'achéte et je ferme mon atelier... Cela nous a mené là où nous en sommes mais comment convaincre les sociétés de faire machine arrière ?
Il n'y a qu'une réponse possible : il faut qu'elles y aient intérêt. Pour cela je propose :
1) Une réforme fiscale qui supprime l'impôt sur les sociétés en même temps que l'impôt sur le revenu des particuliers. Avec des contre-parties, évidemment : Une TVA socialement juste et une taxe cumulative sur les achats et transferts de fonds (TACTF) dont description ci-après.
Libérer le pouvoir d'achat : Les impôts qui s'appliquent sur les gains des personnes physiques ou morales sont ressentis comme confiscatoires même si le citoyen sait bien que l'état, pour remplir les fonctions régaliennes indispensables, doit prélever sur la richesse nationale. Ce même citoyen, surtout s'il fait partie des classes les plus pauvres, supporte mal qu'on ampute son maigre revenu même modestement alors qu'il n'hésitera pas à dépenser en jeux de grattage une part importante de son salaire. Et pourtant, il sait bien que sur ces produits l'état prélève beaucoup sous forme de taxes. Mais il est plus facile d'accepter de payer plus cher un produit taxé à x% plutôt que de se voir prélever x% sur ses revenus et d'acheter sans taxe. On a l'impression d'avoir plus de pouvoir d'achat. En outre on peut retarder son achat, voire ne pas le faire. Ce raisonnement s'applique aussi aux entreprises et plus généralement à toutes les "personnes morales" qui cherchent systématiquement à échapper à l'impôt. Ma première mesure consiste donc à supprimer tout impôt sur le revenu, sur la fortune et sur les bénéfices. Cela implique, évidemment des mesures compensatoires pour le budget de l'état mais aussi des contre-parties.
Par exemple sur le budget 2017, les 73,4 G€ d'impôt sur le revenu et les 29,4G€ d'impôts sur les sociétés sont à trouver autrement. Par contre il va être possible d'alléger fortement les services fiscaux, en particulier ceux qui traquent la fraude fiscale, d'où de possibles économies de fonctionnement.
S'agissant des sociétés, inutiles de disserter sur l'attrait qu'une telle mesure suscitera auprès de celles qui ne résident pas encore sur notre territoire. Mais il est nécessaire en contre-partie que les établissement de la société installés sur le territoire national soient obligatoirement constitués en société de droit français, éventuellement filiale d'un groupe, et jouissent d'une gestion autonome, vérifiable et transparente.
A titre transitoire, une dérogation peut être accordée pour laisser le temps à l'entreprise d'adapter son organisation sous contrainte d'une taxation particulière transitoire elle aussi.
Privilégier l'emploi au détriment de la sous-traitance et des délocalisations : Pour cela il faut que l'entrepreneur ait intérêt à "faire" plutôt qu'à "faire-faire". Je propose d'instituer une taxe cumulative sur les achats et transferts de fonds (TCATF). Cette taxe qui s'appliquera sur toutes les dépenses hors salaires de l'entreprise sera cumulative, au contraire de la TVA, c'est à dire que dans le cas de sous traitances en cascade, le produit sera taxé à chaque niveau de sous-traitance et enchérira d'autant alors que le même produit fabriqué en interne à l'entreprise ne serait taxé que sur la matière première. Cela donne aussi un léger avantage aux produits fabriqués en France sur ceux qui sont importés car ces derniers sont taxés au moins une fois sur l'ensemble de leur production. A noter que les transfert de fonds vers une société mère à l'étranger seront taxés au même niveau.
Compte tenu que les achats des entreprises sont de l'ordre de 900G€ (d'après l'INSEE), une TCATF de 6% rapporterait environ 54G€ mais ce taux peut être ajusté en plus ou en moins en fonction de l'assiette à laquelle il s'applique.
La taxation particulière et transitoire évoquée plus haut pourrait être le même taux de 6% appliqué sur le chiffre d'affaire au "pro rata temporis".
2) Une réforme des charges salariales : Il s'agit de changer l'assiette de ces charges afin de ne plus inciter les patrons à diminuer leurs effectifs :
Périodiquement, hommes politiques, chroniqueurs et journalistes reparlent de TVA sociale. Précisons un peu ce que c'est, il s'agirait d'alléger les charges patronales des entreprises ou de les supprimer et d'augmenter la TVA afin de compenser avec ce supplément de taxe la perte de ressource sociale due à la baisse des charges patronales. Le fait reconnu de tous c'est que les charges patronales qui alimentent l'assurance vieillesse et l'assurance maladie pèsent lourdement sur les coûts salariaux incitant ainsi les entrepreneurs à acheter, sous-traiter ou importer plutôt que de développer leurs équipes de production. Bien pire ils diminuent leurs effectifs pour faire fabriquer à l'étranger augmentant ainsi le nombre de chômeurs et donc la charge correspondante. Regardons d'un peu plus près les chiffres, les avantages et les inconvénients de ce dispositif.
  • La masse salariale française est de l'ordre de 400 milliards d'€ (G€) pour une vingtaine de millions de salariés,
  • les charges salariales représentent environ 40% de cette masse , à savoir 160 G €,
  • La TVA rapporte au budget environ 150 G€ avec ses taux actuels.
On voit tout de suite que les charges salariales sont du même ordre de grandeur que la TVA, si on voulait remplacer intégralement les charges salariales par la TVA, il faudrait en doubler les taux : Ce n'est tout simplement pas envisageable. Tout au plus pourrait-on augmenter le taux normal de 2 points ce qui permettrait de remplacer à peu près 10% des charges.
Avantage, le système de perception de la TVA est en place et rôdé, techniquement il est possible de mettre en place sans délais une TVA sociale.
Inconvénient avancé par certain, le décalage entre rentrée des charges et rentrée de la TVA poserait un problème la première année.
Autre inconvénient, la TVA est un impôt qui alimente le budget général et n'a pas vocation à être affecté, fut-ce à des dépenses sociales. C'est pour cette raison qu'un syndicat propose depuis des années que le concept soit remplacé par une cotisation sociale sur la consommation, cotisation qui serait donc bien affectée, cette fois, au financement de l'assurance maladie et à l'assurance vieillesse.
Imaginons que cette Cotisation sociale patronale (CSP) au lieu de frapper la consommation, s'applique tout simplement sur le chiffre d'affaire hors taxe de toutes les entreprises. D'après l'INSEE ce chiffre d'affaire total est de l'ordre de 3700 G€, un taux d'environ 4,4 % serait donc suffisant pour couvrir toutes les cotisations patronales, maladies, vieillesse et chômage.
Certains craignent qu'un tel transfert entraîne une augmentation des prix, c'est possible mais ce ne serait que par effet psychologique et non par effet mécanique. Démonstration : Les coûts de revient des produits des entreprises qui emploient beaucoup de salariés contiennent environ 40% de coût de main d'œuvre, les coûts de revient de celles qui achètent, sous-traitent ou importent tout, en contiennent quand même environ 10%. On a vu que la suppression des charges représente 40% du coût salarial, les premières entreprises verront donc leurs coût hors CSP baisser de 16 % (40% de 40%) par contre elles auront à ajouter une CSP de 4,4 % applicable à un prix égal à 84% de leur ancien coût soit moins de 4%, au total on ne dépassera pas 88% de l'ancien prix. Pour les autres entreprises leurs baisse de charges ne sera que de 4% (40% de 10%) et elles auront à ajouter une CSP de l'ordre de 4,4 % sur le coût final ce qui donne 96 % + 0,044 x 96 % = 100,22 %
Comme on le voit les prix des produits manufacturés devraient diminuer d'environ 12% et les produits importés ou largement sous-traités devraient augmenter très peu, au global ce devrait être assez neutre d'autant que les industriels savent évoluer et qu'ils reprendront vite dans leur entreprise toutes les productions qu'ils pourront, faisant ainsi baisser leurs prix et relançant l'emploi. Le budget d'indemnisation chômage baissera mais en contre-partie le budget d'assurance maladie et vieillesse augmentera légèrement.
Soyons raisonnables, aucun gouvernement ne décidera d'un basculement de financement en bloc des assurances maladie, vieillesse et chômage. La sagesse commandera de transférer 25 % de charges une première année sur 1,1% de CSP, puis après mesure des résultats et analyse des tendances, 25% la deuxième année sur une augmentation de CSP qui aura été ré-estimée à une valeur un peu différente de 1,1% et ainsi de suite sur 4 ans en tout. Quant à l'argument du décalage des rentrées de charge et de CSP, évoqué au sujet de la TVA sociale, il est facile à réduire en inscrivant dans la loi une règle qui prévoit, les années de transition, de faire payer aux entreprises les charges comme si rien ne changeait et de leur restituer le trop payé éventuel après mise en place de la CSP.
3) Pour que les salariés puissent prendre leur part, un peu de Démocratie dans l'entreprise :
La crise financière mondiale bat son plein, les bourses s'écroulent, les banques se recroquevillent, les entreprises perdent du chiffre d'affaires, les salariés perdent du pouvoir d'achat, voire leur emploi...Il serait temps de se poser quelques questions sur notre système capitaliste et sur le fonctionnement de ce système dans l'entreprise. Peu instruit des pratiques de la haute finance internationale, je n'aborde ici que le deuxième aspect : le capitalisme dans l'entreprise et les questions que l'on peut se poser sur sa compatibilité avec les règles démocratiques.
Les actionnaires fournissent le financement pour l'investissement initial de l'entreprise, est-il cependant acceptable qu'elle leur appartienne à eux seuls alors qu'elle est incapable de fonctionner sans les salariés ? Actuellement les actionnaires ont le pouvoir et ne considèrent les salariés que comme des moyens dont il faut augmenter le rendement et baisser le coût. Ils ne les rencontrent jamais, ils nomment une équipe de direction chargée, entre autres , de les "gérer". Du point de vue démocrate et humaniste, actionnaires et salariés devraient avoir des relations d'associés et coopérer pour leur intérêt commun. Les salariés devraient donc être représentés au conseil d'administration avec un poids égal à celui des actionnaires.
Les entreprises réinvestissent, le plus souvent, sans réaliser d'augmentation de capital. C'est à dire qu'elles augmentent leur potentiel en utilisant leur trésorerie, leurs bénéfices ou en empruntant. Si l'on considère que l'investissement initial s'amortit d'environ 10% par an, ce réinvestissement sur fonds propre est tout à fait normal jusqu'à cette valeur de 10% du capital social car il ne constitue que le maintien de la valeur initiale de ce capital. Au delà de cette limite ce réinvestissement accroît la valeur de l'entreprise et donc celle des parts que détiennent les actionnaires sans qu'ils aient eu à financer cet accroissement. Ne serait-ce pas là un détournement de bien social au détriment des salariés ? Ces derniers n'ont-ils pas participé a permettre ce réinvestissement ?
Il n'est pas si rare de voir un puissant groupe racheter une entreprise en bonne santé et , dans l'année qui suit, récupérer sa mise en pillant la trésorerie et en vendant quelques actifs mineurs de l'entreprise. Les salariés de cette entreprise n'ont-ils pas raison d'avoir le sentiment d'être cocus et spoliés ?
D'une façon plus générale, quand l'entreprise crée de la valeur, est-il juste de n'attribuer cette valeur qu'aux seuls actionnaires ? Les dispositifs de participation et d'intéressement vont dans le bon sens mais restent insuffisants et décorrélés de l'évolution de la valeur de l'entreprise. N'est-ce pas aussi un facteur de moindre efficacité que de ne pas assez associer les salariés à la performance de l'entreprise ?
Ajoutons à cela le problème des dividendes : Quand l'entreprise fait du bénéfice, est-ce grâce aux seuls actionnaires ? Pourquoi sont ils seuls au conseil d'administration pour en décider l'utilisation ? Et pourquoi les dividendes ne seraient-ils pas partagés entre actionnaires et salariés ? Les uns pour rémunérer leur investissement, les autres pour récompenser leurs efforts productifs et les encourager à poursuivre.
En résumé, pour améliorer la démocratie dans l'entreprise, il faudrait :
  • établir la parité stricte entre actionnaires et salariés au conseil d'administration,
  • distribuer aux salariés des parts sociales incessibles d'un montant total égal à celui des actions des actionnaires afin de leur assurer le partage à égalité des dividendes ,
  • réglementer les réinvestissements afin d'interdire le réinvestissement sur fonds propres supérieur à 10% du capital social par an sans augmentation correspondante de capital,
  • Imposer l'attribution aux actionnaires et salariés, paritairement, d'actions gratuites correspondant aux investissements dépassant les 10 % ci-dessus.
L'entreprise deviendrait ainsi démocratique et son fonctionnement ne pourrait qu'en être plus productif.
Ces trois axes ne régleraient pas tous les problèmes de la France mais pourraient contribuer à redynamiser notre secteur industriel tout en attirant les investisseurs étrangers. D'autres pays Européens pourraient même s'en inspirer.