mardi 24 décembre 2013

Le "Pop-pop" n'est-il qu'un jouet ?

Vous avez certainement déjà vu ces petits bateau construits par des amateurs dans lesquels on allume une bougie ou une petite lampe à alcool et qui sont alors propulsé en émettant un son qui fait penser à un vrai diesel marin. Cependant, malgré la simplicité de construction de ce propulseur, son principe de fonctionnement mérite quelques explications.
Le propulseur lui-même est constitué de 2 (au moins) tubes de 4 à 6 mm de diamètre coudés en L dont les extrémités hautes sont soudées sur un petit réservoir très plat et dont les deux extrémités basses sortent de la carène du bateau à l’arrière et sous la ligne de flottaison. Tubes et réservoir doivent être préalablement complètement remplis d'eau, raison pour laquelle au moins deux tubes sont préférables.
On peut décrire son fonctionnement en cinq étapes illustrée par les schémas de la page suivante :
1) Chauffée par la bougie, l'eau bout dans le réservoir et commence à se vaporiser et à pousser l'eau des tubes vers l'arrière.
2) La pression de vapeur augmente dans le réservoir et chasse l'eau des tubes de plus en plus vite propulsant ainsi le bateau. Il faut noter que plus l'eau liquide s'éloigne du réservoir, plus le métal du réservoir et du haut des tubes monte en température. La vapeur monte aussi en température et donc en pression. L'eau des tubes accélère d'une part du fait de l'augmentation de la pression et d'autre part du fait que sa quantité dans les tubes diminue.
3) La surface de séparation vapeur /eau atteint la sortie des tubes,  une partie de la vapeur s’échappe à la sortie des tubes dans l'eau froide, la pression baisse brutalement dans les tubes du fait, d'une part de la fuite de vapeur, d'autre part du contact avec l'eau froide qui fait condenser la vapeur : l'eau commence à remonter dans les tubes.
4) L'eau froide qui remonte dans les tubes les refroidit et fait condenser de plus en plus de vapeur, ce qui entraine la baisse de la température, donc de la pression et si la pression baisse l'eau froide accélère sa remontée...
5) L'eau se réchauffe progressivement en remontant mais sa vitesse de remontée et son inertie l'empêche de trouver une position d'équilibre, elle atteint donc le réservoir qui est très chaud et se vaporise alors brutalement en générant le bruit " pop " et le cycle recommence à l'étape 1).
Le "Pop-pop" est bien une machine thermique fonctionnant avec une source chaude-le réservoir chauffé par la bougie- et une source froide-l'eau environnant le bateau-. Il s'apparente même aux machines dites à cycle de Hirn puisque la température des vapeurs dans le réservoir est "surchauffée". Il est en effet déconseillé d'utiliser la brasure à l'étain pour assembler tubes et réservoir, la température de ce dernier pouvant atteindre le point de fusion de l'étain. On peut remarquer qu'il fonctionne presque en circuit fermé, la majorité de la vapeur oscillant dans les tubes sans être rejetée à l'extérieur. Son rendement thermique , comparable à d'autres machines thermiques utilisant le même cycle de Hirn le classe donc dans les machines thermiques performantes qui approchent la valeur de 0,5.
Pourquoi ne le trouve-t'on que sur des jouets ? D'abord parce que la propulsion par jet intermittent  présente un rendement propulsif médiocre et un inconfort évident dû aux accélérations récurrentes ; Mais surtout parce que le fonctionnement du Pop-pop est essentiellement conditionné par les échanges thermiques au niveau des sources et des tubes. Pour que ces échanges soient suffisamment rapides, il faut que le ratio entre surfaces latérales des tubes et volume contenu soit élevé. Ce ratio diminue quand le diamètre des tubes augmente et le temps de passage d'une température T1 à une autre T2 augmente d'autant, à plus grande échelle le Pop-pop risque de ne plus fonctionner ou mal.

N'est-il pas possible de développer une version industriellement utile du pop-pop ?
Le schéma ci-dessous propose le principe d'un moteur, en cycle complètement fermé. Le réservoir est remplacé par un échangeur chaud réalisé en alliage réfractaire pour supporter des températures de l'ordre de 400°C voire 500. Les tubes sont assemblés en trois sections : une section chaude en alliage réfractaire à la sortie de l'échangeur chaud, une section isolante intermédiaire pour éviter les pertes thermiques par conduction, une section froide à l'entrée du moteur. Un moteur volumétrique ici représenté par un cylindre-piston-bielle-manivelle dont l'échappement se fait dans un condenseur ou échangeur froid. Ce dernier est de dimensions très supérieur à l'échangeur chaud pour pouvoir diffuser à température ambiante autant de chaleur que le petit échangeur chaud n'en absorbe à 400°C dans un même intervalle de temps. La cylindrée du moteur est de l'ordre de grandeur du volume contenu dans le réseau de tubes. Le principe du fonctionnement est semblable à celui du Pop-pop à la différence de l'éjection et de l'échappement. Au lieu d'éjecter l'eau à l'extérieur elle est envoyée dans le cylindre du moteur ou elle pousse le piston, un peu avant son point mort bas celui-ci découvre la lumière d'échappement vers le condenseur. De l'eau et un peu de vapeur encore chaude s'échappent dans le condenseur. La chute de pression dans le cylindre due à l'échappement entraine une baisse de température et le reste de vapeur se condense, faisant chuter encore la pression. Avant que le piston ne referme la lumière en remontant, de l'eau froide issue du bas du condenseur est aspirée dans le cylindre et remonte avec le piston vers le réseau de tubes...

Si le moteur tourne trop vite, les échanges avec le condenseur seront limités et le cycle suivant sera moins puissant, si au contraire le moteur est un peu lent, plus d'eau froide du condenseur entrera dans le cylindre et remontera jusqu'à l'échangeur chaud donnant la puissance maximum au cycle suivant. Ce moteur possède donc une vitesse de rotation intrinsèque et régulée,  bien adaptée pour entrainer un alternateur mais défavorable à une utilisation réclamant un régime variable.
Comme déjà dit plus haut le diamètre des tubes devra rester dans des dimensions assez faibles, sans doute  inférieures à 10 mm. Par contre il sera possible d'en multiplier le nombre.
A quoi peut donc servir un tel petit moteur ?
Il pourrait servir de récupérateur d'énergie dans les gaz d'échappement des moteurs des véhicules automobiles, poids lourds... Ces gaz d'échappement sortent en effet à des températures supérieures à 500°C et recèlent un gisement d'économie d'énergie non encore exploité. On peut imaginer transformer en énergie électrique nombre de sources de chaleur actuellement perdue, pourquoi pas celle de certains déchets nucléaires...