jeudi 15 décembre 2011

TVAsociale ou CSCA

Périodiquement, hommes politiques, croniqueurs et journalistes reparlent de TVA sociale. Précisons un peu ce que c'est, il s'agirait d'alléger les charges patronales des entreprises ou de les supprimer et d'augmenter la TVA afin de compenser avec ce supplément de taxe la perte de ressource sociale due à la baisse des charges patronales. Le fait reconnu de tous c'est que les charges patronales qui alimentent l'assurance vieillesse et l'assurance maladie pèsent lourdement sur les coûts salariaux incitant ainsi les entrepreneurs à acheter, sous-traiter ou importer plutôt que de développer leurs équipes de production. Bien pire ils diminuent leurs effectifs pour faire fabriquer à l'étranger. Regardons d'un peu plus près les chiffres, les avantages et les inconvénients de ce dispositif.
  • La masse salariale française est de l'ordre de 400 milliards d'€ pour une vingtaine de millions de salariés,

  • les charges salariales représentent environ 40% de cette masse , à savoir 160 Milliards d'€,

  • La TVA rapporte au budget 175 milliards d'€ avec ses taux actuels.

On voit tout de suite que les charges salariales sont du même ordre de grandeur que la TVA, si on voulait remplacer intégralement les charges salariales par la TVA, il faudrait presque en doubler les taux : Ce n'est tout simplement pas envisageable. Tout au plus pourrait-on augmenter le taux normal de 2 points ce qui permettrait de remplacer à peu près 10% des charges.

Avantage, le système de perception de la TVA est en place et rôdé, techniquement il est possible de mettre en place sans délais une TVA sociale.

Inconvénient avancé par certain, le décalage entre rentrée des charges et rentrée de la TVA poserait un problème la première année.

Autre inconvénient, la TVA est un impôt qui alimente le budget général et n'a pas vocation à être affecté, fut-ce à des dépenses sociales. C'est pour cette raison qu'un syndicat propose depuis des années que le concept soit remplacé par une cotisation sociale sur la consommation, cotisation qui serait donc bien affectée, cette fois, au financement de l'assurance maladie et à l'assurance vieillesse.

Imaginons que cette cotisation ne se limite pas à frapper la consommation mais s'applique à tous les achats : de matières premières, de prestations, de sous-traitance, de produits finis ou de consommation, achats effectués par toute personne physique ou morale, organisme privé, publique ou association. Imaginons en outre que cette cotisation soit cumulative c'est à dire qu'elle ne soit pas, comme la TVA, récupérable. Ainsi l'entreprise qui sous-traite à une autre paiera la cotisation sur le prix de l'objet de la sous-traitance, prix qui contiendra une part de cotisation sur la matière première ou d'éventuelles sous-sous-traitance. Le client final paiera évidemment la cotisation sur le prix final du produit de consommation lui-même chargé des cotisation des achats constitutifs. Notons que cette cotisation frappera naturellement les importations mais pas les exportations. On peut alors parler de Cotisation Sociale Cumulative sur les Achats (CSCA). Elle serait perçue sur le prix hors taxe avant application de la TVA, mais il n'est pas indispensable que la TVA s'applique aussi sur la CSCA.

Une telle CSCA s'appliquerait donc sur un volume de transactions qui est proche en valeur du PIB c'est à dire environ 2000 milliards d'€. Cette fois on voit qu'environ 8% de CSCA peuvent remplacer intégralement les charges patronales.

On entend souvent certains dire qu'un tel transfert entraînera une augmentation des prix, c'est possible mais ce ne serait que par effet psychologique et non par effet mécanique. Démonstration : Les prix des produits des entreprises qui emploient beaucoup de salariés contiennent environ 40% de coût de main d'œuvre, les prix de celles qui achètent, sous-traitent ou importent tout, en contiennent quand même environ 10%. On a vu que la suppression des charges représente 40% du coût salarial, les premières entreprises verront donc leurs prix hors CSCA baisser de 16 % (40% de 40%) par contre elles auront à ajouter une CSCA de 8 à 10 % applicable à un prix égal à 84% de leur ancien prix soit moins de 9% de l'ancien prix, au total on ne dépassera pas 93% de l'ancien prix. Pour les autres entreprises leurs baisse de charges ne sera que de 4% (40% de 10%) et elles auront à ajouter une CSCA de l'ordre de 12 % (8 % sur les sous produit achetés valorisés à environ 50 % du prix final et 8 % sur le prix final) ce qui donne 96 % + 0,12 x 96% = 107,5 %

Comme on le voit les prix des produits manufacturés devraient diminuer d'environ 7% et les produits importés ou largement sous-traités devraient augmenter de 7 %, au global ce devrait être assez neutre d'autant que les industriels savent évoluer et qu'ils reprendront vite dans leur entreprise toutes les productions qu'ils pourront, faisant ainsi baisser leurs prix et relançant l'emploi.

Soyons raisonnables, aucun gouvernement ne décidera d'un basculement de financement en bloc des assurances maladie et vieillesse, la sagesse commandera de transférer 10 % de charges une première année sur 2% de CSCA, puis après mesure des résultats et analyse des tendances, 10% la deuxième année sur une augmentation de CSCA qui aura été ré-estimée à une valeur un peu différente de 2% et ainsi de suite sur 4 ans en tout. Quant à l'argument du décalage des rentrées de charge et de CSCA, évoqué au sujet de la TVA sociale, il est facile à réduire en inscrivant dans la loi une règle qui prévoit, les années de transition, de faire payer aux entreprises les charges comme si rien ne changeait et de leur restituer le trop payé éventuel après mise en place de la CSCA.

Scribe

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