En ce printemps 2020 il ne se passe pas de journée sans que
j'entende dans les médias qu'après le confinement Covid 19 il
faudra adapter nos institutions pour retrouver un taux d'autonomie
suffisant. En effet la crise du Covid 19 a montré que notre société
était trop dépendante de l'industrie étrangère et des transports
internationaux donc fragile en temps de pandémie.
Il faudra donc renforcer notre industrie dans tous les secteurs pour
revenir à un niveau proche de ce que nous avons connus dans les
années 80-90. A propos, pourquoi avons nous perdu ce niveau ?
Nous l'avons perdu car nous avons laissé la conduite des entreprises
à de personnes brillantes et ambitieuses mais non motivées par
l’innovation et la production : le mot d'ordre n'étai' il
pas ?- et n'est-il pas encore ?- : " faire
ou faire faire ? Avec une réponse évidente dans la majorité
des cas : si je peux acheter le produit au coût où je le
produit, je l'achéte et je ferme mon atelier... Cela nous a mené là
où nous en sommes mais comment convaincre les sociétés
de faire machine arrière ?
Il
n'y a qu'une réponse possible : il faut qu'elles y aient
intérêt. Pour cela je propose :
1)
Une réforme fiscale qui
supprime l'impôt sur les sociétés en même temps que l'impôt sur
le revenu des particuliers. Avec des contre-parties, évidemment :
Une TVA socialement juste et une taxe cumulative sur les achats et
transferts de fonds (TACTF) dont
description ci-après.
Libérer le pouvoir d'achat :
Les impôts qui s'appliquent sur les gains des personnes physiques ou
morales sont ressentis comme confiscatoires même si le citoyen sait
bien que l'état, pour remplir les fonctions régaliennes
indispensables, doit prélever sur la richesse nationale. Ce même
citoyen, surtout s'il fait partie des classes les plus pauvres,
supporte mal qu'on ampute son maigre revenu même modestement alors
qu'il n'hésitera pas à dépenser en jeux de grattage une part
importante de son salaire. Et pourtant, il sait bien que sur ces
produits l'état prélève beaucoup sous forme de taxes. Mais il est
plus facile d'accepter de payer plus cher un produit taxé à x%
plutôt que de se voir prélever x% sur ses revenus et d'acheter sans
taxe. On a l'impression d'avoir plus de pouvoir d'achat. En outre on
peut retarder son achat, voire ne pas le faire. Ce raisonnement
s'applique aussi aux entreprises et plus généralement à toutes les
"personnes morales" qui cherchent systématiquement à
échapper à l'impôt. Ma première mesure consiste donc à
supprimer tout impôt sur le revenu, sur la fortune et sur les
bénéfices. Cela implique, évidemment des mesures
compensatoires pour le budget de l'état mais aussi des
contre-parties.
Par exemple sur le budget 2017,
les 73,4 G€ d'impôt sur le revenu et les 29,4G€ d'impôts sur
les sociétés sont à trouver autrement. Par contre il va être
possible d'alléger fortement les services fiscaux, en particulier
ceux qui traquent la fraude fiscale, d'où de possibles économies de
fonctionnement.
S'agissant des sociétés,
inutiles de disserter sur l'attrait qu'une telle mesure suscitera
auprès de celles qui ne résident pas encore sur notre territoire.
Mais il est nécessaire en contre-partie que les établissement de la
société installés sur le territoire national soient
obligatoirement constitués en société de droit français,
éventuellement filiale d'un groupe, et jouissent d'une gestion
autonome, vérifiable et transparente.
A titre transitoire, une
dérogation peut être accordée pour laisser le temps à
l'entreprise d'adapter son organisation sous contrainte d'une
taxation particulière transitoire elle aussi.
Privilégier l'emploi au
détriment de la sous-traitance et des délocalisations : Pour
cela il faut que l'entrepreneur ait intérêt à "faire"
plutôt qu'à "faire-faire". Je propose d'instituer une
taxe cumulative sur les achats et transferts de fonds (TCATF). Cette
taxe qui s'appliquera sur toutes les dépenses hors salaires de
l'entreprise sera cumulative, au contraire de la TVA, c'est à dire
que dans le cas de sous traitances en cascade, le produit sera taxé
à chaque niveau de sous-traitance et enchérira d'autant alors que
le même produit fabriqué en interne à l'entreprise ne serait taxé
que sur la matière première. Cela donne aussi un léger avantage
aux produits fabriqués en France sur ceux qui sont importés car ces
derniers sont taxés au moins une fois sur l'ensemble de leur
production. A noter que les transfert de fonds vers une société
mère à l'étranger seront taxés au même niveau.
Compte tenu que les achats des
entreprises sont de l'ordre de 900G€ (d'après l'INSEE), une TCATF
de 6% rapporterait environ 54G€ mais ce taux peut être ajusté en
plus ou en moins en fonction de l'assiette à laquelle il s'applique.
La
taxation particulière et transitoire évoquée plus haut pourrait
être le même taux de 6% appliqué sur le chiffre d'affaire au "pro
rata temporis".
2)
Une réforme des charges salariales : Il
s'agit de changer l'assiette de ces charges afin de ne plus inciter
les
patrons à diminuer leurs effectifs :
Périodiquement,
hommes politiques, chroniqueurs et journalistes reparlent de TVA
sociale. Précisons un peu ce que c'est, il s'agirait d'alléger les
charges patronales des entreprises ou de les supprimer et d'augmenter
la TVA afin de compenser avec ce supplément de taxe la perte de
ressource sociale due à la baisse des charges patronales. Le fait
reconnu de tous c'est que les charges patronales qui alimentent
l'assurance vieillesse et l'assurance maladie pèsent lourdement sur
les coûts salariaux incitant ainsi les entrepreneurs à acheter,
sous-traiter ou importer plutôt que de développer leurs équipes de
production. Bien pire ils diminuent leurs effectifs pour faire
fabriquer à l'étranger augmentant ainsi le nombre de chômeurs et
donc la charge correspondante. Regardons d'un peu plus près les
chiffres, les avantages et les inconvénients de ce dispositif.
La
masse salariale française est de l'ordre de 400 milliards d'€
(G€) pour une vingtaine de millions de salariés,
les
charges salariales représentent environ 40% de cette masse , à
savoir 160 G €,
La
TVA rapporte au budget environ 150 G€ avec ses taux actuels.
On
voit tout de suite que les charges salariales sont du même ordre de
grandeur que la TVA, si on voulait remplacer intégralement les
charges salariales par la TVA, il faudrait en doubler les taux : Ce
n'est tout simplement pas envisageable. Tout au plus pourrait-on
augmenter le taux normal de 2 points ce qui permettrait de remplacer
à peu près 10% des charges.
Avantage,
le système de perception de la TVA est en place et rôdé,
techniquement il est possible de mettre en place sans délais une TVA
sociale.
Inconvénient
avancé par certain, le décalage entre rentrée des charges et
rentrée de la TVA poserait un problème la première année.
Autre
inconvénient, la TVA est un impôt qui alimente le budget général
et n'a pas vocation à être affecté, fut-ce à des dépenses
sociales. C'est pour cette raison qu'un syndicat propose depuis des
années que le concept soit remplacé par une cotisation sociale sur
la consommation, cotisation qui serait donc bien affectée, cette
fois, au financement de l'assurance maladie et à l'assurance
vieillesse.
Imaginons
que cette Cotisation sociale patronale (CSP) au
lieu de frapper la consommation, s'applique tout simplement sur le
chiffre d'affaire hors taxe de toutes les entreprises. D'après
l'INSEE ce chiffre d'affaire total est de l'ordre de 3700 G€, un
taux d'environ 4,4 % serait donc suffisant pour couvrir toutes
les cotisations patronales, maladies, vieillesse et chômage.
Certains
craignent
qu'un tel transfert entraîne une augmentation des prix, c'est
possible mais ce ne serait que par effet psychologique et non par
effet mécanique. Démonstration : Les coûts
de revient
des produits des entreprises qui emploient beaucoup de salariés
contiennent environ 40% de coût de main d'œuvre, les coûts
de revient
de celles qui achètent, sous-traitent ou importent tout, en
contiennent quand même environ 10%. On a vu que la suppression des
charges représente 40% du coût salarial, les premières entreprises
verront donc leurs coût
hors CSP
baisser de 16 % (40% de 40%) par contre elles auront à ajouter une
CSP
de 4,4
% applicable à un prix égal à 84% de leur ancien coût
soit moins de 4%,
au total on ne dépassera pas 88%
de l'ancien prix. Pour les autres entreprises leurs baisse de charges
ne sera que de 4% (40% de 10%) et elles auront à ajouter une CSP
de l'ordre de 4,4
%
sur le coût
final ce qui donne 96 % + 0,044
x 96 % = 100,22
%
Comme
on le voit les prix des produits manufacturés devraient diminuer
d'environ 12% et les produits importés ou largement sous-traités
devraient augmenter très peu, au global ce devrait être assez
neutre d'autant que les industriels savent évoluer et qu'ils
reprendront vite dans leur entreprise toutes les productions qu'ils
pourront, faisant ainsi baisser leurs prix et relançant l'emploi. Le
budget d'indemnisation chômage baissera mais en contre-partie le
budget d'assurance maladie et vieillesse augmentera légèrement.
Soyons
raisonnables, aucun gouvernement ne décidera d'un basculement de
financement en bloc des assurances maladie, vieillesse et
chômage. La
sagesse commandera de transférer 25
% de charges une première année sur 1,1%
de CSP,
puis après mesure des résultats et analyse des tendances, 25%
la deuxième année sur une augmentation de CSP
qui aura été ré-estimée à une valeur un peu différente de 1,1%
et ainsi de suite sur 4 ans en tout. Quant à l'argument du décalage
des rentrées de charge et de CSP,
évoqué au sujet de la TVA sociale, il est facile à réduire en
inscrivant dans la loi une règle qui prévoit, les années de
transition, de faire payer aux entreprises les charges comme si rien
ne changeait et de leur restituer le trop payé éventuel après mise
en place de la CSP.
3)
Pour que les salariés puissent prendre leur part, un peu de
Démocratie
dans l'entreprise :
La crise financière mondiale bat son plein, les bourses s'écroulent,
les banques se recroquevillent, les entreprises perdent du chiffre
d'affaires, les salariés perdent du pouvoir d'achat, voire leur
emploi...Il serait temps de se poser quelques questions sur notre
système capitaliste et sur le fonctionnement de ce système dans
l'entreprise. Peu instruit des pratiques de la haute finance
internationale, je n'aborde ici que le deuxième aspect : le
capitalisme dans l'entreprise et les questions que l'on peut se poser
sur sa compatibilité avec les règles démocratiques.
Les actionnaires fournissent le financement pour l'investissement
initial de l'entreprise, est-il cependant acceptable qu'elle leur
appartienne à eux seuls alors qu'elle est incapable de fonctionner
sans les salariés ? Actuellement les actionnaires ont le pouvoir et
ne considèrent les salariés que comme des moyens dont il faut
augmenter le rendement et baisser le coût. Ils ne les rencontrent
jamais, ils nomment une équipe de direction chargée, entre autres ,
de les "gérer".
Du point de vue démocrate et humaniste, actionnaires et salariés
devraient avoir des relations d'associés et coopérer pour leur
intérêt commun. Les salariés devraient donc être représentés au
conseil d'administration avec un poids égal à celui des
actionnaires.
Les entreprises réinvestissent, le plus souvent, sans réaliser
d'augmentation de capital. C'est à dire qu'elles augmentent leur
potentiel en utilisant leur trésorerie, leurs bénéfices ou en
empruntant. Si l'on considère que l'investissement initial s'amortit
d'environ 10% par an, ce réinvestissement sur fonds propre est tout
à fait normal jusqu'à cette valeur de 10% du capital social car il
ne constitue que le maintien de la valeur initiale de ce capital. Au
delà de cette limite ce réinvestissement accroît la valeur de
l'entreprise et donc celle des parts que détiennent les actionnaires
sans qu'ils aient eu à financer cet accroissement. Ne serait-ce pas
là un détournement de bien social au détriment des salariés ? Ces
derniers n'ont-ils pas participé a permettre ce réinvestissement ?
Il n'est pas si rare de voir un puissant groupe racheter une
entreprise en bonne santé et , dans l'année qui suit, récupérer
sa mise en pillant la trésorerie et en vendant quelques actifs
mineurs de l'entreprise. Les salariés de cette entreprise n'ont-ils
pas raison d'avoir le sentiment d'être cocus et spoliés ?
D'une façon plus générale, quand l'entreprise crée de la valeur,
est-il juste de n'attribuer cette valeur qu'aux seuls actionnaires ?
Les dispositifs de participation et d'intéressement vont dans le bon
sens mais restent insuffisants et décorrélés de l'évolution de la
valeur de l'entreprise. N'est-ce pas aussi un facteur de moindre
efficacité que de ne pas assez associer les salariés à la
performance de l'entreprise ?
Ajoutons à cela le problème des dividendes : Quand l'entreprise
fait du bénéfice, est-ce grâce aux seuls actionnaires ? Pourquoi
sont ils seuls au conseil d'administration pour en décider
l'utilisation ? Et pourquoi les dividendes ne seraient-ils pas
partagés entre actionnaires et salariés ? Les uns pour rémunérer
leur investissement, les autres pour récompenser leurs efforts
productifs et les encourager à poursuivre.
En résumé, pour améliorer la démocratie dans l'entreprise, il
faudrait :
établir la parité stricte entre actionnaires et salariés au
conseil d'administration,
distribuer aux salariés des parts sociales incessibles d'un montant
total égal à celui des actions des actionnaires afin de leur
assurer le partage à égalité des dividendes ,
réglementer les réinvestissements afin d'interdire le
réinvestissement sur fonds propres supérieur à 10% du capital
social par an sans augmentation correspondante de capital,
Imposer l'attribution aux actionnaires et salariés, paritairement,
d'actions gratuites correspondant aux investissements dépassant les
10 % ci-dessus.
L'entreprise
deviendrait ainsi démocratique et son fonctionnement ne pourrait
qu'en être plus productif.
Ces
trois axes ne régleraient pas tous les problèmes de la France mais
pourraient contribuer à redynamiser notre secteur industriel tout en
attirant les investisseurs étrangers. D'autres pays Européens
pourraient même s'en inspirer.